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  • Photo du rédacteurCatherine Hargreaves

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Je reviens de ma randonnée hier assez crevée mais trouve l'énergie de m'arrêter dans une librairie indépendante, j'y achète un petit livre au hasard qui s'appelle Culture Clash, sorte de petite bd. A l'appartement, je me rends compte que l'autrice du livre est la personne qui s'occupe de l'appartement où je loge. Les thèmes qu'elle aborde sont très proches de ma recherche, je l'appelle pour savoir si elle est ok pour un café. Je lui explique pourquoi et je sais pas pourquoi cette fois-ci je m'attarde plus sur la notion de "home", quand se sent-on chez soi, qu'est-ce que ça veut dire? Elle accroche tout de suite et me dit qu'elle a justement travaillé sur ce terme là, a même publié un livre dessus. On se donne rdv dans son atelier, une ancienne usine en plein centre, récupérée par des artistes pour y installer leur atelier.


A. est allemande et est venue en Angleterre pour ses études, elle y est tombé amoureuse d'un étudiant nigérian lors d'une résidence artistique à Sheffield et a décidé de s'installer dans cette ville qu'elle aime profondément. Elle est illustratrice, s'est marié et a un fils, elle parle très bien anglais avec un accent allemand.

Jeune, en Allemagne, près de la mer baltique, elle déménageait très souvent, tous les 2 ans (13 maisons) toujours dans la même région, si bien que quand elle s'est installée en Angleterre, elle s'est demandée s'il y avait un chez soi, un home pour elle. Elle s'est demandée s'il était possible pour elle d'attacher cette notion à un territoire, à un lieu donné. Sa conclusion c'est que pour elle, ce sont les gens qui incarnent cette notion, elle se sent chez soi quand elle est avec sa sœur par exemple.

Le territoire des sœurs


Ce qui me ramène aux premières recherches de ce projet: se rendre compte que la sororie formée par moi et mes sœurs est un territoire, un territoire propre sans pour autant être un lieu physique. Un territoire mouvant et sans frontières. Cette prise de conscience est devenue encore plus claire quand ma sœur est morte et que mon père, a soudainement décidé quelques mois après de divorcer de ma mère, nous a forcé à vendre la maison où nous avions grandi et où on se réunissait puis a disparu dans une autre ayant pris soin d'effacer toute trace de ce qui pouvait être le chez soi physique de notre famille. Je me suis rendue compte qu'il restait malgré tout un territoire formé par celles qui restaient et par une présence non incarnée mais indéniable de Rachel. Le home, son lieu est chez les être avant tout, ce sont elles et eux qui le portent. Ce qui me renvoie à ma réflexion de début de résidence sur notre lien aux lieux.




Maison d'enfance où vivaient mes parents et qui a été abandonnée pendant 1 an et où Rachel ne cessait de vouloir retourner à la fin de sa vie, c'était son chez soi à elle. Retourner à la maison c'est tout ce qui lui importait. Ce dernier souhait a été rendu impossible par la folie destructrice de mon père. Photos prises juste avant la vente.



Pour A. changer constamment de lieu revenait à constamment reconstruire son identité. Revenir sur les lieux où elle a habité revenait à "visiter d'anciennes versions" d'elle-même.

Aujourd'hui, elle considère Sheffield comme son chez soi (je galère à traduire home) parce que c'est le lieu où habitent son mari et son fils. Le sentiment d'appartenance est lié pour elle à des personnes. Elle se rend compte que pour son fils de quelques mois, c'est le cas. C'est elle qui représente la "maison" pour lui.

Le lieu comme personnage.

Et elle voit qu'avec les derniers événements qu'elle a vécu (un enfant mort en couches, s'occuper de son fils), elle ne voit même plus Sheffield comme un lieu mais comme un personnage. Comme quand on lit certains romans et que les lieux décrits sont perçus eux aussi comme des personnages. Ce ne sont pas des personnages parlants mais ils ont un rôle à jouer.


Son rapport au langage est particulier. Elle parle anglais avec son mari. Au Niger, il y a énormément de langues et de dialectes, son mari parle un dialecte qui n'existe pas à l'écrit. J'essaie de retrouver le dialecte en question sur internet sans succès mais découvre que plus de 700 dialectes y sont parlées. Je me demande ce que ça veut dire par rapport à un espace. Tous deux parlent à leur fils dans leur langue, c'est important pour eux, ils ne veulent pas être les seuls à parler leur langue.


Son impression de Sheffield est que c'est une ville très middle class. Elle dit qu'il y a des espaces avec des habitants beaucoup plus aisés et que son mari aime beaucoup y aller, que ces espaces "l'inspirent beaucoup". Sa famille a beaucoup dépensé pour qu'il puisse venir faire des études en Angleterre et il se sent "investi d'une mission", il veut trouver le moyen de gagner beaucoup d'argent pour faire venir son frère et continuer à soutenir sa famille là-bas. S'il est venu ici c'est pour aider sa famille, il a pu venir ici de façon légale mais ça a coûté énormément d'argent, somme qui a demandé beaucoup de sacrifices pour sa famille. Il est ingénieur chimiste et entrepreneur dans le bâtiment.

Etant allemande, venue d'abord ici pour ses études puis mariée à un Nigérian, elle a toujours baigné dans un environnement cosmopolite, c'est donc sa vision de l'Angleterre même si elle a conscience qu'il y a une Angleterre qu'elle ne connaît pas, et faisant partie de la middle class, elle n'a jamais eu vraiment l'occasion de côtoyer la working class. Mais elle me dit qu'il suffit de se déplacer dans un autre quartier où les enfants jouent dans la rue pour voir cette autre Angleterre mais les cercles ne se mélangent pas et elle fait partie de celleux qui sont tombé.e.s de haut quand le vote pour le Brexit est passé, elle ne s'y attendait pas du tout. Elle dit qu'ils n'ont jamais vraiment vécu de racisme dans la vie quotidienne, seulement pour les démarches administratives.

En ce qui la concerne, elle ne veut pas de la nationalité anglaise parce que sa nationalité allemande peut lui donner plus d'avantages (déplacements etc.) et elle ne peut pas avoir les deux, son fils aussi devra choisir quand il aura 18 ans.


La conversation devient plus intime, on parle des liens de notre travail à nos deuils respectifs et de comment notre rapport à notre identité est en constante évolution. Comment cette constante évolution est en fait le premier principe de notre identité depuis qu'on est toutes petites et comment il est possible ou pas de le raconter.






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C. est d'origine nigériane et aime aussi beaucoup Bristol. Il aime son cosmopolitisme et la gentillesse de ses habitant.e.s. Il habitait avant à Cardiff et il trouve que les gens ici sont plus "éduqué

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