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  • Photo du rédacteurCatherine Hargreaves

Atlas Grinds - 4/11

Dernière mise à jour : 7 janv. 2022



D. est propriétaire d'Atlas Grinds, un coffee shop à Stoke Newington. J'étais passée devant l'autre jour me disant en voyant le drapeau LGBTQIA+ que j'avais envie d'y faire un tour. Et c'est vrai que quand je suis rentrée, je m'y suis tout de suite sentie bien. Ca ne fait pas longtemps que je suis ici mais l'énergie que dégage la cité est très intense et puis j'ai beau sentir d'une manière que l'Angleterre fait partie de moi, je suis, il faut bien le dire une étrangère au mode de vie d'ici donc jamais totalement détendue. Je suis rentrée et direct, c'est comme si je pouvais tout à coup souffler, comme s'il y avait une reconnaissance mutuelle. L'une des questions concernant les mythes qu'on se construit c'est de savoir quel est le bon équilibre entre absolue nécessité d'affirmer une identité quand elle est en danger d'être niée ou attaquée et ne pas s'enfermer dans une vision excluante où tout serait rapportée à cette identité. On se met vite à discuter avec D. Je lui dis que c'est reposant d'être ici, il me dit qu'une personne transgenre est rentrée l'autre jour et qu'elle s'est mise à pleurer de soulagement de trouver enfin un endroit où elle se sentait bien et en sécurité. Alors pour elle c'est beaucoup plus essentiel et je ne peux pas comparer nos ressentis mais simplement je me sens bien ici.

D. est slovaque, il est là depuis 2009. Il me dit qu'il ne pourra jamais rentrer au pays car c'est ici qu'il a vécu toute sa vie d'adulte, il ne sait pas comment tout marcherait en Slovaquie. J'ai l'impression qu'il me parle de son pays d'origine comme d'un pays étranger. Chez lui, c'est ici. Voilà deux fois que je me retrouve face à ce genre de cas. C. chez qui je loge a vécu jusqu'à ses 18 ans en France dans le Sud-Ouest - drôle d'ailleurs que la première personne chez qui je loge soit franco-anglaise, ça n'était absolument pas prévu. Depuis il vit à Londres. Quand il est arrivé, il avait vraiment l'impression d'être un étranger et se sentait isolé mais maintenant une vingtaine d'années après, c'est La France qui lui semble étrangère (j'y reviendrais plus tard), chez lui c'est ici. Il parle même avec un accent anglais quand il parle français. Quand je rencontre des personnes qui n'ont jamais vécu dans leur pays d'origine, ils se réclament souvent des 2 pays pour définir leur appartenance contrairement à ceux qui ont vécu leur vie d'adulte et leur vie d'enfant/adolescent dans des pays différents. Je me demande si cela est dû au fait que l'enfance est en soi un pays avec ses codes et ses frontières, un pays qui fait partie de nous mais qui petit à petit s'efface et qui n'est pas omniprésent dans notre quotidien. Il y a peut-être là un lien avec mon envie de dessiner de nouveaux territoires avec de nouvelles règles, pas forcément géographiques, comme le territoire de sœurs par exemple. Ca me fait penser aussi à la pièce Beginners de Tim Crouch.


Territoire des sœurs - sans son, Image: Joffrey Dieumegard


Pour D., l'impact du Brexit est énorme, "massive" dit-il. Il manque de main d'œuvre dans la restauration et l'hôtellerie, manque des chauffeurs de camion, il y a des problèmes d'approvisionnement, tout le monde est parti ailleurs ou est rentré au pays. Les services publics sont ceux qui trinquent le plus. Il ressent aussi qu'il y a un manque de diversité criant depuis 2016. Jusque là sa version colle à celle qu'on lit dans les journaux français. J'essaye de savoir à quel point il ressent personnellement, concrètement dans son quotidien tout ce qu'il dit.

Pendant qu'on parle, beaucoup de personnes très différentes, rentrent, certaines juste pour dire bonjour et repartir, d'autres pour discuter avec D., d'autres pour consommer sur place, d'autres pour prendre un café à emporter (très très bon le café!), si bien que notre propre conversation s'étale dans le temps.

D. me dit qu'aujourd'hui, il ne viendrait pas s'installer en Grande Bretagne mais en Suède. Il pense que les choses vont changer assez radicalement ici pas forcément de façon totalement négative, il est curieux de savoir ce que la jeune génération va faire, il se demande ce qui va arriver après le transfert de la richesse chez les jeunes puisque tous les vieux riches avec leurs vieilles idées sur l'Angleterre vont bientôt mourir. Il n'espère rien, il pense juste que les choses vont changer et il est curieux de savoir comment.

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C. est d'origine nigériane et aime aussi beaucoup Bristol. Il aime son cosmopolitisme et la gentillesse de ses habitant.e.s. Il habitait avant à Cardiff et il trouve que les gens ici sont plus "éduqué

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